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“La loi travail va freiner l’embauche !”, par Gilles Rigourex, sur Contrepoints

Article d’Emploi 2017 (Gilles Rigourex) publié le 22/09/2017 sur Contrepoints Les ordonnances sur le travail ont plafonné les indemnités prud’homales en cas de licenciement abusif. Mais la contrepartie obtenue par les syndicats va tout simplement… augmenter le chômage. Les médias ont donné un large écho à cette mesure de plafonnement des indemnités en cas de licenciement abusif, expliquant que c’est une mesure très favorable pour les employeurs et pour les entreprises. En effet certaines étaient poussées à la faillite à cause d’indemnités démesurées… Mais quelles entreprises ? Combien d’entreprises ? Personne ne le dit ! Les organisations patronales ont beaucoup insisté pour obtenir cette mesure, expliquant que cela permettra aux entreprises de mieux mesurer leurs risques. Certes.

Mesure compensatoire

Mais les syndicats bien entendu n’en voulaient pas et en faisaient un casus belli. Alors comme toujours dans notre beau pays toujours prêt à s’enflammer pour protéger les droits acquis, le gouvernement, qui veut à tout prix éviter la grogne syndicale et le blocage des raffineries, a non seulement assorti la mesure d’un minimum, ce que l’on peut admettre, mais y a ajouté une « mesure compensatoire » en augmentant de 25% les indemnités légales de licenciement. Pas 5% ou 10%, non, 25% ! Aux dernières nouvelles, ce devrait être limité aux 10 premières années de présence dans l’entreprise, mais on sait que les conventions collectives prévoient généralement déjà des majorations au-delà des 10 ans.

Conséquence : toutes les ruptures de contrats coûteront plus cher à tous les employeurs !

Mesdames et Messieurs les représentants des organisations patronales, savez-vous compter ou faut-il vous renvoyer tous à l’école primaire en classes à effectifs dédoublés ? Démonstration mathématique : La dernière année pour laquelle les statistiques prud’homales sont disponibles sur le site du ministère de la Justice est 2015. On prendra donc cette année-là comme référence. En 2015, il y a eu 143.366 inscriptions à Pôle emploi suite à des licenciements économiques et 429.233 suite à d’autres licenciements, soit un total de 572.599 licenciements.

En dessous de la réalité

Ceci est certainement inférieur à la réalité puisque toutes les personnes licenciées ne s’inscrivent pas forcément à Pôle emploi, certaines retrouvant immédiatement du travail, d’autres décidant de ne plus travailler, etc. Mais il n’existe en France aucune autre statistique des licenciements. Ajoutons à cela les ruptures conventionnelles qui se sont élevées, toujours en 2015, à 390.404 (statistiques Dares). Comme les employeurs le savent, le montant de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle ne peut pas être inférieur à celui de l’indemnité légale de licenciement sous peine que la rupture conventionnelle ne soit pas homologuée par la Direccte [1]. C’est donc le montant de l’indemnité légale qui sert de base dans la négociation de la rupture conventionnelle.

Un cadeau empoisonné pour les employeurs

Donc les syndicats ont obtenu que les 963.003 personnes licenciées ou signant une rupture conventionnelle par an (le chiffre monte à 973.795 en 2016, et ne cesse d’augmenter d’année en année) voient désormais leurs indemnités de départ augmenter de 25% ! Beau cadeau empoisonné pour les employeurs, qui eux savent calculer, et qui donc n’embaucheront pas davantage. Car combien d’employeurs sont réellement confrontés au risque de l’indemnité pour rupture abusive désormais plafonnée ? En 2015, les prud’hommes ont terminé 160.954 affaires (hors référés), après en moyenne 16,4 mois, dont 86.885 seulement ont été jugées sur le fond, les autres ayant été renvoyées à d’autres instances, radiées, désistées, caduques. Sur ces 86.885 affaires jugées, 60.392 ont donné satisfaction au plaignant (dont on sait que c’est à 80% et plus, les salariés), 26.493 ayant été rejetées.

Morale de l’histoire

Donc pour traiter 60.392 affaires « à risque », c’est-à-dire 6,3% de toutes les ruptures de contrats, on a tout simplement alourdi d’au moins 25% le coût des quelque 960.000, et plus, ruptures de contrats de travail pour les employeurs. Quel encouragement à l’embauche ! La morale de l’histoire s’il y en a une : En France, le patron a toujours mauvaise presse, pas dans le public qui au contraire plébiscite les entrepreneurs et surtout les petits et moyens entrepreneurs, mais dans l’administration en général dont les hauts responsables n’ont pas la moindre idée de la façon dont les employeurs raisonnent puisqu’ils n’ont jamais été confrontés à aucun risque dans leur carrière garantie à vie ! En France, quand on peut faire simple et que ça marche, il faut absolument que l’État vienne perturber les choses. Pourquoi les ruptures conventionnelles, dont le nombre ne cesse d’augmenter d’année en année, connaissent-elles un tel succès ? Car c’est simple, rapide, raisonnable. Les deux parties y trouvent chacune leur compte dans une négociation individuelle, tant sur le montant que sur la durée et la sécurisation de la procédure (5% seulement des conventions sont refusées par la Direccte). Augmenter leur coût de 25% leur portera-t-il un coup fatal ? En tout cas les employeurs feront leurs calculs et y réfléchiront toujours à deux fois avant d’embaucher. D’autant plus que d’autres freins importants n’ont pas été supprimés, toujours par peur des réactions syndicales, tel le monopole de la représentation syndicale au premier tour des élections des délégués, ou la remontée, voire la suppression, de certains seuils, etc.
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