Questione di prospettiva – Crédit photo : deadstar 2.1, sur VisualHunt.com |
La contrainte, dont l’usage s’oppose au principe personnaliste, peut revêtir au moins deux aspects : la contrainte physique, d’une part, et la contrainte psychologique, d’autre part. C’est de cette dernière que nous traitons ici.
Présentation.
La contrainte psychologique c’est grosso modo ce que certains appellent manipulation et que Jean-Jacques Crèvecœur nomme “jeu de pouvoir”. Le plus souvent, cette contrainte est mise en place inconsciemment, par une personne remplie de bonnes intentions.
La notion de jeu de pouvoir est une des plus importantes de celles présentées par Jean-Jacques Crèvecœur, dans son livre “Relations et jeux de pouvoir” ainsi que dans la formation ARA (Atelier des Relations Authentiques et respectueuses) qu’il dispense en ligne, et que nous ne saurions trop recommander. D’après lui, cela commence par une “tentative de jeu de pouvoir” de A sur B, tentative à laquelle, le plus souvent, B réagit de manière inappropriée, ce qui établit puis renforce le jeu de pouvoir. Il y a alors une sorte de cercle vicieux, de détérioration progressive de la relation, sous l’effet de la croissante pression psychologique qui s’installe entre A et B.
En quoi consiste une contrainte psychologique ?
Exercer une contrainte psychologique sur B consiste, pour A, à faire faire, dire, penser, ressentir quelque chose par B, sans exprimer clairement, explicitement son projet à B.
À quoi reconnait-on une contrainte psychologique ?
Plusieurs critères permettent de détecter ou reconnaître la contrainte psychologique exercée par A sur B, notamment :
- A n’exprime pas clairement, explicitement sa réalité à B et, notamment, son désir, sa demande, son attente, son projet …
- A exerce une pression psychologique (urgence, culpabilisation, victimisation, exagération, …) sur B;
- Il n’y a pas de correspondance, d’adéquation entre le message explicite et le message implicite de A, ce qui perturbe B, entraîne sa confusion : que doit-il croire, le message explicite ou le message implicite ? Par exemple, tel ou tel parent disant à ses enfants : “Bravo, félicitations pour la pagaille que vous avez mise dans votre chambre !”
Quelques exemples de contrainte psychologique.
- Dissimuler mon désir derrière le désir de l’autre, en le lui faisant formuler à ma place : “Tu ne veux pas profiter du soleil pour aller marcher ?”
- Dissimuler un projet, un désir, derrière l’avis, réel ou supposé, d’un tiers : “Ton père n’aurait pas voulu ça”
- Dissimuler une opinion derrière un jugement : “Refuser de porter le masque, en période de Covid, est égoïste et irresponsable”.
- Dissimuler mon désir derrière une règle morale, en culpabilisant l’autre : “Après tout le mal que je me suis donné pour toi, comment peux-tu dire ça ?”
- Dissimuler une demande derrière une affirmation : “J’aimerais aller à ce mariage mais je n’ai pas de voiture”.
- Dissimuler une opinion derrière une question : “Tu y crois, à ces fadaises ?”
- Dissimuler mon désir derrières de fausses urgences : “Il faut te décider tout de suite ! Notre promotion s’arrête ce soir.”
- Dissimuler mon désir derrière une menace : “Si tu ne m’obéis pas immédiatement, il va t’en cuire !”
- Dissimuler mon désir derrière un mensonge, une information erronée : ” Le vaccin contre la Covid n’entraîne pas d’effets secondaires graves et il est efficace : une personne vaccinée ne peut ni attraper la Covid, ni la transmettre. C’est d’ailleurs le seul moyen efficace de traiter la Covid.”
Comment réagir de façon inappropriée à une contrainte psychologique ?
Une mauvaise réaction, face à une contrainte psychologique, dans l’hypothèse où B ne souhaite pas répondre favorablement à l’attente implicite d’A, consiste pour B, au choix, à
- céder (accepter le projet implicite d’A) ;
- résister (au projet implicite), c’est à dire argumenter contre la demande sous-entendue d’A, sans dire soi-même explicitement à A son projet (de ne pas accéder à la demande implicite de celui-ci) ni même demander à A d’exprimer explicitement son attente ;
- feindre de ne pas comprendre (ignorer le projet implicite).
Dans le 1er cas, B ne se respecte pas. Dans les 2 suivants, il entre collabore activement à faire réussir la contrainte psychologique, par un mécanisme que Jean-Jacques Crèvecœur appelle la “complicité circulaire”, où l’on retrouve les mêmes caractéristiques que dans la contrainte initiale (ou “tentative de jeu de pouvoir”) :
- B n’exprime pas explicitement sa propre réalité à A : son ressenti face à la contrainte initiale d’A, son besoin menacé par celle-ci, son désir (de ne pas accéder au projet implicite d’A), sa demande (qu’A cesse sa contrainte psychologique), son attente, etc.
- B exerce une pression psychologique sur A, en résistant ou ignorant la tentative de jeu de pouvoir, ce qui va conduire A à augmenter sa pression.
- Il y a distorsion, non-correspondance, entre le message explicite de B et son message implicite (“Je ne veux pas répondre à ton attente implicite”).
Comment réagir de façon appropriée à une tentative de jeu de pouvoir ?
Nous ne rentrerons pas ici dans les détails, mais voici les très grandes lignes de ce que nous avons retenu d’ARA, et dont l’exposé représente 2 modules complets parmi les 7 qui constituent cette formation !
La complicité circulaire engage A et B dans une dynamique relationnelle énergivore : chacun va dépenser une énergie considérable pour un résultat très médiocre. Un peu comme deux boxeurs qui s’affrontent pendant 12 rounds. À la fin, peut-être que l’un des deux sera déclaré vainqueur, mais les deux auront dépensé une énergie considérable et termineront le combat dans un état très dégradé par rapport à celui qu’ils avaient avant de commencer.
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Tout comme une autre vidéo, de sumo, cette fois-ci, où le tchèque Takanoyama utilise cette stratégie de l’esquive (ex : vers 1’15”) pour décourager son adversaire. |
- Différentes techniques, que Jean-Jacques Crèvecœur appelle “ancrages” (par référence à l’ancre d’un bateau, qui permet à celui-ci de ne pas être emporté par le courant, le vent ou la tempête), permettent à B de ne pas être déstabilisé par une tentative de jeu de pouvoir.
- Dans tous les cas, il est essentiel de viser à ce que chacun exprime le plus explicitement possible sa réalité : ce qu’il ressent, ce qu’il pense, ce qu’il espère, etc.
Jacques Salomé dit volontiers que l’injonction, la culpabilisation, la disqualification, etc., sont des poisons de la communication. Nous pourrions ajouter que la dissimulation (de notre réalité, c’est à dire de ce que nous pensons, de ce que nous ressentons, de ce que nous voulons,…) en est un autre, très toxique !